Artist: Adel Abdessemed
Curator: Ami Barak
April 9 – May 12, 2014
Modeste par sa taille mais au contenu ambitieux, cette exposition en noir et blanc se propose de fournir des clés de la démarche de l’artiste. Adel Abdessemed consacre une attention toute particulière au monde contemporain. Il déconstruit les codes identitaires qui structurent les représentations du pouvoir, prenant de front les tensions qui traversent la société et chacun des individus qui la composent. Ses œuvres font en règle générale, écho à des faits précis, à des événements historiques, à des situations familières, mais dépassent le commentaire narratif ou la critique militante et déjouent toute tentative d’amalgame à une quelconque appartenance identitaire ou communautaire. A travers la sexualité et la violence mais aussi le conjoncturel et le politique, l’artiste interroge également le statut social et économique aussi bien du créateur que du regardeur dans un système sur lequel il n’a que peu de prise, s’en éloignant sciemment dans un geste de démission subversif et engagé.
A travers ses installations, ses sculptures, ses dessins, mais aussi ses photographies, ses vidéos, ses performances – Adel Abdessemed met en exergue toute une gamme de contradictions et les transforme en images puissantes.
Le titre de l’exposition est en fait un hommage à Constantin Brancusi. Le point de départ fut une peau de banane qui par un effet de pareidolie s’est transformée en oiseau. Dans l’imaginaire artistique moderniste, une forme épurée, ovoïde et élancée vers le ciel ne peut être qu’un oiseau brancusien. Cette image là est l’entrée en la matière de l’exposition.
L’exposition présente en même temps une série de dessins qui montrent des soldats en arme – Soldaten – image récurrente qu’on voit quotidiennement sur les écrans des divers médias puisque les guerres s’en suivent comme une histoire sans fin. Casqués et armés ils font fonction de cariatides menaçantes mais génériques et dans le contexte de l’exposition le visiteur se retrouve entouré des hommes en armes. Devrait- il se sentir davantage en sécurité ou plutôt menacé, dans un reflexe quasi pavlovien ? L’inconscient s’avère toujours plus fort car insidieux.
L’exposition présente aussi une vidéo, Histoire de la folie (2013), ou l’on voit l’artiste écrasant un crâne humain au pied nu dans un geste répétitif et rythmique qui devient, par sa sérialité, un morceau de percussion visuelle qui garde intacte toute sa force symbolique. Nous savons que le crâne dans l’art est symbole de vanité, inscrit dans le genre des Memento mori. Les vanités ont un rôle instructeur puisqu’il s’agit d’amener l’individu à se détourner des choses terrestres car la mort est un châtiment infligé par Dieu pour le péché originel. Mais ici l’acte devient prométhéen et foncièrement rebelle comme si l’artiste voudrait mettre un terme à l’histoire et pas que celle de l’art. Un simple geste ramène ainsi la vie en premier plan.
[Ami Barak]
Adel Abdessemed: né en 1971 en Algérie, vit et travaille à Paris. Il a fait des études d’art à Batna et Alger (Algérie), Lyon et Paris (France) et New York (USA). Il emploi également dessins, sculpture, installation, photographies, vidéos, performances. Parmi ses expositions personnelles les plus récentes : L’ âge d’or, Mathaf: Arab Museum of Modern Art, Doha, Qatar (2013) ; Adel Abdessemed Je suis innocent, Centre Georges Pompidou, Paris; Who’s afraid of the big bad wolf?, David Zwirner, New York (2012); NU, Dvir Gallery, Tel Aviv (2011); Silent Warriors, Parasol unit foundation for contemporary art, London (2010); RIO, David Zwirner, New York (2009); Don’t Trust Me, Walter and McBean Galleries, San Francisco Art Institute (2008); Dead or Alive, P.S.1 Contemporary Art Center, Long Island City, New York (2007).